Loi Sapin II : Une définition du lanceur d’alerte conforme à l’idée originelle (fr)

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Auteur : Me Sahand Saber, avocat au barreau de Paris
Date : Décembre 2016




Le 8 décembre dernier, le Conseil constitutionnel rendait sa décision sur la « Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », également dite « Loi Sapin 2 ». Les débats sur la notion et le régime applicable au lanceur d’alerte avaient suscité quelques inquiétudes chez les entreprises, craignant que leurs informations confidentielles puissent être publiquement révélées et que leur réputation reposant sur leur propre capacité à solutionner les situations d’illégalisme en soit affectée. Cette inquiétude peut désormais être écartée. La définition désormais adoptée du lanceur d’alerte entend celui-ci ainsi : « Un lanceur d'alerte est une personne une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »

La définition du lanceur d’alerte est ainsi enserrée dans des conditions strictes mais suffisamment adaptées pour permettre à toute personne agissant conformément auxdites conditions et aux objectifs de ce statut de bénéficier d’un statut protecteur. Le régime de protection qui l’accompagne indique en revanche que des débats théoriques, que les tribunaux devront considérer, sont à venir.

Ce régime de protection qui s’est trouvé une place dans la partie du Code pénal consacrée aux causes d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité, selon un nouvel article 122-9, dispose en effet : « N'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d'alerte prévus à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

Ce texte exige ainsi des conditions pour assurer une protection à toute personne qui révélerait des informations confidentielles d’une entreprise dont elle a eu connaissance, obligeant l’agent à prouver qu’il répond à la définition du lanceur d’alerte.

Il en est ainsi de l’obligation selon laquelle la révélation devra être réalisée « de manière désintéressée et de bonne foi ». En d’autres termes, l’agent ne devra pas avoir été rémunéré. La rémunération de l’agent serait-elle pour autant de nature à influer sur le crime ou le délit révélé ? L’administration fiscale n’a-t-elle pas décidé elle-même de rémunérer ses informateurs ? Agir de mauvaise foi, c’est-à-dire dans un intérêt personnel, rendrait-il le crime ou le délit commis plus acceptable ? Cette condition interroge, en ce qu’elle inclue le rapport de l’agent avec l’infraction dont il a connaissance.

En outre, la révélation devra porter sur l’existence d’une « menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général ». Cette condition résume en elle-même l’esprit qui présidait aux débats initiaux sur l’élaboration du régime du lanceur d’alerte. L’intérêt général doit être l’axe même de l’action du lanceur d’alerte. Faudra-t-il encore définir cette notion d’intérêt général, notion de droit public et non de droit pénal.

Enfin, la révélation ou le signalement devra consister en une information dont l’agent a eu « personnellement connaissance ». La rumeur ou les faisceaux d’indices ne pourront donc suffire. Tout révélation devra se fonder sur une source matérielle dont l’agent a eu connaissance de par ses missions ou fonctions.

En somme, la loi Sapin II peut recevoir un accueil satisfaisant de la part des entreprises qui ont désormais l’assurance que le secret entourant leurs activités ne saurait connaitre d’atteinte sans recours à leur disposition.