Ne pas déclarer ses revenus cryptos : un risque à ne pas prendre !(fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France > Droit privé > Droit fiscal 
Fr flag.png

Bruzzo Dubucq : Cabinet d'Aix en Provence.
Avril 2018



Depuis l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 28 avril 2018, la fiscalité française en matière de crypto-actifs semble prendre forme dans un régime particulier dont la 
compréhension du système technologique, parfois complexe, semble retarder l’échéance d’un régime fiscal propre et parfaitement adapté.À l’heure actuelle le régime fiscal 
repose sur de nombreuses distinctions telles que la qualification du token détenu, le caractère habituel ou occasionnel des échanges opérés complexifiant dès lors la 
compréhension du contribuable lorsque celui-ci se retrouve confronté à la rédaction de sa déclaration de revenus.


Ne pas déclarer ses revenus Cryptos : un risque à ne pas prendre !


Si le contribuable est bien souvent tenté de s’y soustraire en croyant, à tort, que la décentralisation des échanges permet d’échapper à leur traçabilité et de remonter au donneur d’ordre, les sanctions encourues devraient être, d’autant plus, de nature à le décourager.


En effet, l’administration dispose de moyens juridiques et techniques lui permettant de vérifier la majeure partie des plus-values réalisées.


D’une part, l’administration fiscale dispose d’un droit de reprise qui en règle générale est de trois années à compter du 1er janvier suivant l'année d'imposition. Cette prescription « dite triennale » s’applique en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de TVA.[1]


Toutefois, ce délai est porté à 10 ans lorsque le contribuable a réalisé une activité occulte, en d’autres termes lorsque celui-ci n’a pas fait connaître son activité, ni déposé de déclaration d’impôt.[2] Ainsi, les revenus 2017 à déclarer en 2018 pourront être contrôlés jusqu’en 2027, un laps de temps suffisant pour que l’administration se dote de moyens techniques particulièrement performant pour retracer les échanges réalisés.


D’autre part, l’administration fiscale dispose d’une prérogative appelée « droit de communication » prévue à l’article L 81 du Livre des Procédures Fiscales.[3] Ce pouvoir lui permet d’obtenir la communication de documents détenus par des entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers, etc. L’administration fiscale française pourrait donc se rapprocher des principaux acteurs de l’écosystème, tels que les exchanges ou encore les entreprises acceptant d’être rémunérées en crypto-actifs ce qui apparaîtrait comme la contrepartie logique d’une fiscalité accueillante.


Par ailleurs, en cas de redressement le contribuable serait confronté à des conséquences fiscales et pénales difficilement supportables.


En effet, l’administration fiscale serait en mesure de procéder à une « taxation d’office » où elle estimerait fictivement le revenu non déclaré et imposerait le contribuable en conséquence.[4]


Cette procédure, sanctionnatrice pour le contribuable, aboutit bien généralement à une large estimation des revenus par l’administration à laquelle le contribuable doit prouver l’inexactitude des revenus estimés pour ne pas avoir à payer plus d’impôts qu’il n’en devait.


Ensuite, le Code général des impôts prévoit, outre les intérêts de retard, une série de pénalités dont la majoration de 40 % pour manquement délibéré, régulièrement mise en œuvre, et la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses.[5]


Enfin, l’absence de déclaration de ses gains pourrait entrer dans le champ de l’infraction de fraude fiscale punie de 500 000 € d’amende et de 5 ans d’emprisonnement et pouvant aller jusqu’à 3 000 000 € et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :


«1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ;

Soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ;

Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents, au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;

Soit d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;

Soit d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle. »[6]


En somme, il apparaît désormais évident qu’il vaut mieux s’atteler à tenter de déclarer le plus précisément possible ses gains en crypto-actifs plutôt que de compter sur les difficultés techniques de l’administration à les vérifier. Il serait dommage que le contribuable ayant les yeux trop fixés sur la lune atterrisse au Tribunal.

Références

  1. 1 Article L 169 Livre des Procédures Fiscales
  2. 2 Site BOFiP : BOI-CF-PGR-10 n°30 et 40
  3. 3 Site BOFiP : BOI-CF-COM-10 n°1
  4. 4 Site BOFiP : BOI-CF-IOR-50-20 n°170 et 180
  5. 5 Site BOFiP : BOI-CF-INF-10-20-20 n°20 et article 1729 Code Général des Impôts
  6. 6 Article 1741 Code Général des Impôts