Numériser ou ne pas numériser, telle est la question juridique, CJUE, C-117/13, 11 septembre 2014 (eu), Cass. civ. 1ère, 30 mai 2012, n°10-17780 (fr)

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Auteur : Emmanuel Pierrat,
Avocat au barreau de Paris
Octobre 2014



CJUE, C-117/13, 11 septembre 2014  Cass. Civ. 1ère, 30 mai 2012, n°10-17780



Mots clefs : CJUE, droit d'auteur, droits voisins, droit de l'édition, numérisation, bibliothèques, lecture électronique, contrefaçon



La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt en date du 11 septembre 2014 sur la question, toujours très débattue, de la numérisation. Elle était saisie du cas d’une bibliothèque universitaire allemande qui n’avait pas voulu acheter la version numérique d’un ouvrage papier de ses collections, intitulé Introduction à l’histoire contemporaine.

La juridiction communautaire précise qu’une bibliothèque peut numériser et mettre à disposition sur des terminaux installés dans ses locaux. En revanche, elle ne peut laisser ses usagers imprimer et stocker sur une clé, sauf à verser une rémunération équitable.

Rappelons que, en France, la Cour de cassation a statué, le 30 mai 2012, en cassant un arrêt d’appel qui avait clairement assimilé la numérisation de photographies à un acte de contrefaçon, dans la mesure où cette numérisation avait été réalisée par une agence de presse sans autorisation du reporter-photographe. La haute juridiction a estimé que « les numérisations et mises en ligne litigieuses – ces dernières seulement en basse définition et avec la protection d’un système antipiratage interdisant leur appréhension par des tiers » pouvaient être considérées, en l’absence de clause contraire, comme rentrant dans le mandat de commercialisation et le besoin d’en permettre la visualisation par des acheteurs potentiels.

Précisons toutefois que, dans les deux cas, les juges ont statué en faveur d’une interprétation large de certaines exceptions au principe de la nécessaire autorisation.

Or, jusqu’ici, la jurisprudence, française comme communautaire, semblait avoir acté que la simple numérisation constituait en elle-même un acte de contrefaçon.

Le premier argument en faveur de cette conception résultait des traités adoptés, le 20 décembre 1996, par la conférence diplomatique de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.

Cette autorité possède une légitimité certaine, puisqu'elle gère notamment la principale convention internationale en matière de droit d’auteur, dite aussi convention de Berne, par laquelle sont aujourd'hui liés la quasi-totalité des pays de la planète. L'un des textes élaborés en 1996 porte sur le droit d'auteur et est à ce titre considéré comme un additif à la convention de Berne. Ce texte, qui a bientôt vingt ans, précise que la simple numérisation comme le balayage optique sont considérés comme des actes de reproduction des œuvres.

Cette prise de position n'avait pas particulièrement ému, en 1996, dans la mesure où le texte n’était susceptible d’entrer en vigueur qu’après sa ratification par au moins trente États... Elle avait néanmoins commencé de restreindre encore l'exception classique aux droits d'auteur constituée par la possibilité de réaliser librement une copie dite privée, c'est-à-dire réservée à l'usage du copiste.

Aucun autre texte international ou national ayant dépassé l'état de projet n'a ensuite adopté un tel point de vue.

Le 29 septembre 2001, la Cour d'appel de Paris avait condamné sévèrement une station de radio poursuivie par le producteur de disques Universal Music. Ils avaient en effet estimé expressément que le simple stockage sous forme numérique d'une œuvre protégée constitue une reproduction qui nécessite l'autorisation des titulaires des droits. La donne juridique semble aujourd’hui plus complexe.



Voir aussi

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