Pratiques commerciales trompeuses: les influenceurs aussi doivent respecter le code de la consommation

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
 France > Droit privé > Droit de la consommation


Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris [1]
Date: Juillet 2021






Il n'existe pas encore en France de statut juridique ou fiscal spécifique aux influenceurs.


Ce qui ne veut pas dire que ces derniers peuvent exercer leur activité en toute impunité, puisqu'ils sont soumis aux différentes règlementations en vigueur, notamment celles concernant les pratiques commerciales déloyales ou trompeuses.


On apprend le 28 juillet 2021 qu'une enquête de la DGCCRF a conduit au paiement d’une amende transactionnelle de 20 000 euros par l’influenceuse Nabilla pour pratiques commerciales trompeuses relatives à la promotion sur le réseau social Snapchat d’un site de formation au trading en ligne.


Rappelons que l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) définit l’influenceur comme "un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, par écrit, audio et/ou visuel, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie".


Le marketing d’influence consiste donc à utiliser le potentiel de recommandation et la notoriété d’un "influenceur" pour faire la publicité d’un produit ou d’une marque.


Et malheureusement, certains influenceurs oublient de préciser à leurs fans qu'ils sont rémunérés pour faire la publicité de produits qu'ils présentent: la dissimulation de la collaboration pouvant être considérée comme une pratique commerciale trompeuse est susceptible d'une lourde sanction prévue par l'article L132-2 [2]du code de la consommation, soit jusqu'à deux ans d'emprisonnement et une amende pouvant atteindre 300.000 euros (voir le code de la consommation: Pratiques commerciales déloyales Articles L121-1 à L121-7 [3])


C'est ainsi que le Service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené des investigations sur une promotion commerciale effectuée, en janvier 2018, par l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara sur le réseau social Snapchat.


Elle y faisait la promotion de services de formation au trading proposés par un site internet spécialisé dans la vente et l’achat de bitcoin.


Dans sa story, l’influenceuse, suivie par plusieurs millions de personnes sur les réseaux sociaux, a omis de mentionner qu’elle était rémunérée par les sociétés exploitant ce site pour en faire la promotion.


Or, le défaut d’indication du caractère publicitaire de sa publication (par un logo ou une mention orale ou écrite par exemple) constitue une pratique commerciale trompeuse à l’encontre de ses abonnés qui peuvent croire à tort que la promotion de l’influenceuse résulte d’une expérience personnelle positive désintéressée.


Par ailleurs, dans cette story, Nabilla Benattia-Vergara avait allégué de la gratuité du service proposé par le site de trading, de la récupération systématique des sommes investies et de rendements pouvant aller jusqu’à 80 % grâce à leurs conseils.


Ces propos étaient donc de nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du service et les résultats attendus de son utilisation. En cela, ils relèvent, eux aussi, de la qualification de pratiques commerciales trompeuses.


Avec l’accord du Procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris, une amende transactionnelle d’un montant de 20 000 euros a été proposée et acceptée par l'influenceuse, prenant en compte le bénéfice tiré de l’opération de promotion. Le recours aux services des influenceurs est devenu un vecteur important de promotion des marques. Rémunérés en produits gratuits ou, le plus souvent, par le biais de contrats commerciaux, les influenceurs se professionnalisent et, à ce titre, doivent notamment se conformer aux règles prévues par le code de la consommation.


La DGCCRF contrôle les pratiques mises en œuvre dans ce nouveau secteur publicitaire afin de veiller à la transparence et à la loyauté des allégations véhiculées.


Les publications des influenceurs sur les réseaux sociaux sont en effet susceptibles d’avoir une incidence significative sur le comportement économique des personnes qui les suivent et ne doivent donc pas tromper les consommateurs.


« Les influenceurs doivent informer leur communauté quand ils sont rémunérés pour faire la promotion de produits », a d’ailleurs rappelé sur Twitter le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui a aussi appelé à signaler auprès de la DGCCRF les «comportements trompeurs » et « publicités déguisées ».


A ce titre, d’autres enquêtes sont d’ailleurs en cours. Les publicités réalisées par des influenceurs sont en forte croissance, et concernent de nombreux secteurs et modes de vente, comme le dropshipping, qui consiste à mettre en vente un produit que l'on n'a pas encore en stock mais que l'on obtient auprès d'un fournisseur.


Si cette pratique n'est pas illégale, vendre à des clients potentiels, qui souvent d'ailleurs sont des clients jeunes des produits qui ne correspondent pas aux publicités l'est et il s'agit alors de publicité mensongère et de la vente mensongère.


Les consommateurs suspectant des comportements trompeurs d’influenceurs à l’occasion de publicité déguisée sont invités à les signaler sur SignalConso.


(source: DGCCRF Paiement d'une amende de 20 000€ par l'influenceuse Nabilla pour pratiques trompeuses [4])