Publicité et grandes causes nationales (fr)

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Chaque année divers organismes à but non lucratifs organisent des campagnes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique. Ils souhaitent souvent utiliser la radio et la télévision pour diffuser au public des informations relatives aux actions qu’elles mettent en valeur. Abrogeant la circulaire du 21 juillet 2003, la circulaire du 30 novembre 2005 [1] relative aux concours des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle aux campagnes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique simplifie la procédure tout en maintenant le dispositif juridique antérieur. Précisant « les procédures et conditions visant à déterminer un ordre de priorité entre les demandes, à limiter le nombre des campagnes afin de ne pas lasser le public et à sensibiliser l’opinion aux objectifs des œuvres considérées », cette circulaire distingue toujours trois types de situations :

  • les campagnes agrées par le Premier ministre en tant que « grande cause nationale » ouvrant droit à la diffusion gratuite des messages par les sociétés publiques de radio et de télévision ;
  • les campagnes dites « d’intérêt général » proposées à l’agrément du Premier ministre, dans la limite de cinq par an, dont les messages diffusés bénéficient d’un tarif spécial fixé par les régies publicitaires concernées ;
  • et enfin les autres appels à la générosité publique peuvent faire l’objet d’informations à l’initiative des sociétés de programmes.

En l’espèce, ce sont les messages publicitaires relatifs aux grandes causes nationales qui vont retenir notre attention, en s’intéressant d’une part à la procédure d’attribution du label de « grande cause nationale » (I) et d’autre part aux problèmes sociaux qui ont été reconnus comme « grande cause nationale » (II).

La procédure d’attribution du label « grande cause nationale »

Si le Premier ministre est à présent le seul acteur dans la décision de l’agrément, la détermination de l’organisme titulaire du label « grande cause nationale » n’en est pas moins soumis à une procédure complexe.

Le pouvoir d’agrément du Premier ministre

Sous l’empire de la circulaire antérieure abrogée (du 21 juillet 2003), l’agrément était donné par le Premier ministre après avis d’une commission restreinte présidée par le Directeur du développement des média et composée des représentants de très nombreux ministères.

Désormais cette commission est supprimée, le Premier ministre donne seul son agrément.

La détermination de l’organisme titulaire du label

La procédure qui permet de déterminer l’organisme qui bénéficiera du label de « grande cause nationale » est organisée tel qu’il suit.

L’appel à candidature fait l’objet d’un communiqué du Premier ministre qui est diffusés sur les sites internet du Premier ministre et de la direction du développement des médias [2] (DDM). Les demandes d’agréments doivent être adressés par les organismes intéressés à la DDM dans le mois qui suit la publication du communiqué du Premier ministre.

La DDM instruit les dossiers.

Les cahiers des missions et des charges des sociétés de programmes Radio France, France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO (Réseau France Outre-mer) leur font obligation de diffuser gratuitement un nombre déterminé de messages de la campagne retenue. Les présidents de ces sociétés déterminent toutefois les conditions dans lesquelles ils satisfont à cette à cette obligation.

Les campagnes des organismes retenus doivent respecter la réglementation applicable à la publicité et au parrainage et notamment l’article 7 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 [3] fixant les principes généraux concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage.

Les organismes ayant bénéficiés de cette assistance doivent, par la même voie, radiophonique ou télévisée, informer le public du montant des collectes réalisées et de l’affectation des dons.

Les problèmes sociaux reconnus comme « grande cause nationale »

Le Premier ministre se doit de faire un choix parmi les différentes campagnes proposées par les organismes à but non lucratifs, toutes ces propositions ne peuvent être retenues comme « grande cause nationale », seules quelques une d’entre elles le seront. Une fois la grande cause nationale annuelle déterminée, les organismes retenus doivent réaliser le spot publicitaire s’y rapportant.

Les grandes causes nationales retenues

Les organismes à but non lucratifs ou les groupes d’associations qui bénéficient du label « grande cause nationale » sont des organismes qui tentent de régler des problèmes de société.

Chaque année, le Premier ministre désigne comme grande cause nationale le problème social qu’il juge nécessaire de médiatiser pour le combattre. La détermination de la grande cause nationale annuelle est une décision à la fois personnelle et politique du premier ministre.

Depuis 1997 les grandes causes nationales désignées ont soulevées des problèmes divers et variés touchant tantôt à une partie spécifique de la population, par exemple en 1997 la grande cause nationale était la protection de l’enfance maltraitée, en 2002 il s’agissait de l’égalité contre les discriminations racistes, en 2003 ce fut le Handicap qui fut retenu, en 2005 la maladie du Sida et en 2007 la maladie d’Alzheimer, tantôt les citoyens dans leur ensemble, avec en 1998 la défense des droits de l’homme, en 1999 l’esprit civique, en 2000 la sécurité sur la route, en 2004 la Fraternité, et enfin en 2006 l’égalité des chances.

Pour chacune de ces causes les organismes à but non lucratif les soutenant ont été autorisés à diffuser sur les chaînes publiques télévisées et radiophoniques douze spots publicitaires destinés à faire naître une prise de conscience nationale sur le problème mis en évidence.

Le label « grande cause nationale » permet donc sans frais pour les organismes ou associations désignés de médiatiser un problème de société, le but étant d’inciter les citoyens téléspectateurs et auditeurs à modifier leur comportement ou à se mobiliser financièrement ou personnellement en faveur de cette cause.

Les spots publicitaires relatifs aux grandes causes nationales

Afin de juger de l’impact que peuvent avoir les spots publicitaires relatifs aux grandes causes nationales, il sera intéressant de se pencher sur les messages publicitaires réalisés pour les grandes causes nationales de ces trois dernières années.

Grande cause nationale 2005 : le Sida

Pour l’année 2005, le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, avait choisie de faire de la lutte contre le cancer une grande cause nationale après avoir indiqué qu’ « une nouvelle mobilisation de l’opinion (était) nécessaires » car les données « montrent clairement que la diffusion de la maladie n’est pas enrayée et progresse dans notre pays ». Il avait ainsi défini les objectifs qui s’imposaient en 2005 : une « nouvelle relance de la prévention », la « poursuite de notre effort de recherche », et « de nouveaux progrès dans l’accès des malades du Sud aux traitements ».

Chaque mois des manifestations ont été organisées par des acteurs de la lutte contre le sida. Ainsi de janvier à décembre douze thèmes ont été abordés : le dépistage du VIH, la place du malade dans la société, l’impact du sida chez les femmes, la recherche, la prévention chez les jeunes, l’homosexualité et le Sida, les rapport Nord-Sud, la prévention, l’impact su Sida chez les migrants, les discriminations, l’usage de drogue, et pour terminer « Sida grande cause nationale » .

La publicité « Sida, grande cause nationale 2005» avait pour slogan « Le premier traitement, c’est notre solidarité ». Le spot de trente secondes réalisés par Gang Film pour Euro RSCG C & O, nous présentait en quatre scènes montées de façon chronologique la journée d’un jeune homme atteint du Sida. Comme l’analyse René Paulin professeur de lettres modernes, tournées en caméra subjectives, chaque scène met le spectateur à la place des différentes personnes rencontrées par le jeune homme malade. A chaque fois, à la seule vue du jeune homme, les personnes rencontrées baissent les yeux et semblent se plonger dans une activité qui se révèle le plus souvent dérisoire. A la fuite du regard se mêle un évitement de toute conversation. C’est le point de vue de l’autre qui est exposé dans ce spot. Au cinquième plan, le jeune homme est dos à la caméra et une phrase apparaît à l’écran « Vous venez de voir les premiers symptômes de la séropositivité ». Le sixième et dernier plan fait apparaître le logo pour le « Sida, grande cause nationale 2005 » ainsi que le slogan volontairement positif « Le premier traitement, c’est notre solidarité ».

Ainsi ce spot publicitaire met le spectateur face à ses réactions lorsqu’il est en présence d’une personne séropositive. La maladie fait peur, la maladie exclue. Le message est de lutter contre la banalisation de l’exclusion des séropositifs. Le groupe nominal « notre solidarité » inclus tout les téléspectateurs. Il ne nous est plus possible de rester extérieur à ce fléau, de faire semblant de ne pas le voir, ou de se réfugier dans l’indifférence. Nous sommes invités à devenir les acteurs de cette lutte, aux côtés de ceux qui la combattent dans leur corps.

Grande cause nationale 2006 : l’égalité des chances

Suite à l’embrasement des banlieues, le premier ministre Dominique De Villepin avait déterminée comme grande cause nationale 2006 l’égalité des chances.

Pour l’occasion, la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 [4] était venue compléter l’arsenal réglementaire et législatif dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, la promotion de l’égalité des chances est désormais ancrée dans le paysage institutionnel français, grâce à l’existence d’une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), à une agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) et au plan local, notamment des commissions départementales pour l’égalité des chances (COPEC).

Cette lutte pour l’égalité des chances s’organisait autour de deux pôles : l’emploi et l’éducation.

Le spot « Egalité des chances, grande cause nationale 2006 » réalisé par Fabien Dufils pour TBWA/CORPORATE/NON PROFIT est réalisé en six plans montrant chaque fois des personnes différentes heureuses de vivre en dépit de ce qui peut apparaître comme une différence, que ce soit un homme obèse en train de se raser, une petite fille handicapée qui prend son petit avant d’aller à l’école ou deux petits garçons noirs qui dansent devant un arrêt d’autobus. Tout au long du spot les personnages évoluent au rythme d’une musique enthousiasmante et gaie, qui réunie au cinquième plan un groupe de personnes de sexe et d’origines différentes se réjouissant ensemble, dans un bar, pour une manifestation sportive footballistique diffusée à la télévision. Ce spot montre les différents visages de la France d’aujourd’hui et met en avant les valeurs de fraternité et de partage communes au football et à la République. L’ambition de ce film est d’illustrer la richesse de la diversité ainsi que le dynamisme d’une société qui l’assume et la promeut comme le révèle le slogan « Notre diversité fait notre force ».

Grande cause nationale 2007 : la maladie d’Alzheimer

Le 21 septembre 2006, lors des treizièmes journées mondiales Alzheimer, le Premier ministre alors en fonction, Dominique De Villepin s’est engagé « à agir, à franchir une nouvelle étape » en faisant de la lutte contre la maladie d’Alzheimer la grande cause nationale 2007 ainsi que le souhaitait l’association France Alzheimer. Cette maladie est une atteinte neuro-dégénérative irréversible qui connaît une croissance exponentielle et qui touche déjà 860 000 personnes en France. Cette pathologie nécessite un encadrement, une information et une formation spécifique destinée tout autant au grand public et aux familles qu’aux personnels de santé. C’est pourquoi le Premier ministre avait souhaité une réponse « évolutive et adaptées » selon trois axes :

  • organiser une formation spécifique des intervenants ;
  • accroître le nombre de lits dans les établissements spécialisés ;
  • affecter des crédits plus important à la recherche fondamentale et aux applications pratiques.

Au nom du collectif Alzheimer grande cause nationale, l’association France Alzheimer s’est tournée vers l’agence Saatchi & Saatchi qui avait déjà soutenu l’association en 2004, pour imaginer une campagne de communication sur la maladie. La campagne 2007 déclinée en film tv, spot radio et visuels presse et affichage vise à changer l’image de la maladie et à interpeller les français sur cette pathologie. Le thème central de cette campagne est le principal symptôme de la maladie d’Alzheimer : la perte de mémoire. Le film produit par Première Heure et réalisé par Alexis Ferrebeuf montre un mariage. Dans les scènes réalisées dans des couleurs vives les mariés se disent « oui » et sont heureux, mais des scènes sombres surgissent, les époux sont attaqués par un groupe de personne, puis séparés, la mariée se retrouve seule au milieu des décombre de la salle de mariage de la mairie. Puis on voie une dame âgée, atteinte de la maladie d’Alzheimer, assise sur un banc au côté de son mari avec le regard vide. Les scènes violentes représentaient le souvenir de son mariage que la maladie lui arrache. Ce clip a été diffusé sur toutes les chaînes publiques mais aussi sur M6 et sur la chaîne parlementaire. Dans le spot radio produit par WAM la voie grave d’un homme répète cinq fois de façon lancinante « Plus d’un million de français sont touchés par la maladie d’Alzheimer » pour enfin annoncer « vous risquez de l’oublier. » Le caractère répétitif du spot met l’auditeur mal à l’aise, le nombre de personnes atteintes de la maladie est répété plusieurs fois afin de souligner l’ampleur du fléau. Ce spot a été diffusé par France Info, France Inter et Radio Bleue. Enfin les visuels diffusés par le groupe Prisma Presse ont été conçus par le photographe Yann Le Pape. Ils représentent trois photos différentes encadrées soigneusement mais devant lesquelles se trouvent des grillages ou des stores, il n’est plus possible d’y avoir accès, comme la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est privée de ses souvenirs.


Notes et références