Quid de l’enfant dans le nouveau divorce par consentement mutuel ? (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur : Juliette Daudé, Avocat.
Avril 2017
Source : Village justice




Lors du vote de la loi instaurant une nouvelle procédure de divorce amiable (loi du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle), la question de la place de l’enfant a été au cœur des débats.

En effet, dans le cadre de cette nouvelle procédure, les futurs ex-époux ne se présentent plus devant un Juge pour faire valider leur convention de divorce.

Or, le Juge apparait comme une instance impartiale et objective, garant de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il a donc été craint que l’intérêt de l’enfant soit malmené par cette nouvelle procédure, qui a transformé un jugement de divorce en contrat de rupture …

Prenons un peu de temps pour analyser les différents aspects de cette procédure en ce qui concerne les enfants du couple.

L’audition du mineur : une garantie de la préservation de ses intérêts ou une arme donnée aux enfants pour compliquer le divorce de leurs parents ?

A priori, lors de l’élaboration de la convention de divorce par consentement mutuel, les enfants ne font pas partie du processus.


Chaque parent se rend chez son avocat, et élabore avec lui les dispositions qu’il souhaite voir figurer dans le futur acte de divorce.


Or, la convention de divorce comprend des dispositions relatives aux enfants, et surtout relatives à l’organisation de leur quotidien : chez qui vont-ils vivre, avec qui vont-ils passer leurs vacances, verront-ils souvent ou peu leur père…


Le Conseil Constitutionnel a donc dû à trancher la question de savoir si cette nouvelle procédure respectait bien l’intérêt de l’enfant mineur.


Dans sa décision en date du 17 novembre 2016 (n°2016-739), le Conseil Constitutionnel a considéré que cette nouvelle procédure respectait bien la Constitution et, partant, l’intérêt supérieur de l’enfant, dans la mesure où l’enfant mineur peut demander à être entendu par le Juge aux Affaires Familiales lorsque ses parents optent pour cette procédure amiable.


Ainsi, en présence d’enfant mineur, les parents ont l’obligation, si celui-ci dispose du discernement nécessaire, de lui faire signer un formulaire par lequel il affirme avoir été informé de son droit à être entendu par un Juge et y renoncer.


La première question qui se pose est celle du discernement de l’enfant.


Lorsque l’enfant a deux ans, les parents ne pourront pas s’opposer sur cette question : il est évident que l’enfant ne demandera pas à être entendu par le Juge.


S’il a huit ans, il faudra que les parents s’accordent pour savoir si l’enfant est capable de comprendre ce que signifie ce formulaire, ce qui peut varier selon le degré de maturité de l’enfant.


S’il a 15 ans, il comprendra et disposera donc d’une arme pour pimenter le divorce de ses parents…


En effet, il est tout à fait envisageable que les époux s’entendent suffisamment pour s’accorder sur les modalités de résidence de leur enfant, mais que ce dernier, opposé au divorce de ses parents, décide de leur compliquer la vie …et demande à être entendu par le juge, juste pour ralentir la séparation de ses parents.


De la sorte, les époux seront contraints de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour que ce dernier entende le mineur et examine par la suite la convention de divorce.


Si l’enfant est majeur, il n’aura plus la possibilité de demander à être entendu par le Juge, puisqu’il n’est plus question de décider de son lieu de résidence.


La convention de divorce ne prévoira plus que des dispositions financières le concernant, et devra préciser qu’il en a été avisé.


La liberté contractuelle de cette nouvelle convention de divorce ou la possibilité d’entrer dans les détails concrets du quotidien des enfants

Les dispositions classiques relatives aux modalités d’organisation de la résidence des enfants n’ont pas changé : les parents peuvent donc, comme auparavant, mettre en place une résidence alternée ou une résidence impliquant un droit de visite et d’hébergement pour l’un d’entre eux.


Toutefois, une plus grande latitude semble être donnée aux avocats dans la rédaction de ladite convention : sans le regard du Juge sur leurs écrits, ils doivent veiller encore plus scrupuleusement que par le passé à ce que la convention ne soit pas source de conflits futurs.


Pour cela, il parait préférable de ne pas hésiter à prévoir certains détails pratiques de la vie quotidienne des enfants.


En effet, si dans la vie de tous les jours, personne n’ira vérifier que les parents appliquent scrupuleusement les dispositions de la convention tant qu’ils sont clairement d’accord ; il en sera différemment en cas de désaccord entre les parents : alors la convention s’appliquera stricto sensu sans qu’il y ait de discussion possible.


Ainsi, il est préférable d’être précis afin d’éviter des rapports de force futurs sur, par exemple, l’heure de « remise » des enfants, ou encore sur ce que couvre exactement la pension alimentaire et quels sont les frais que les parents devront partager.


Bien évidemment, les dispositions relatives aux enfants ne sont pas gravées dans le marbre, il sera toujours possible de les modifier, soit en s’accordant, soit en saisissant le Juge aux Affaires Familiales pour qu’il tranche au vu de la survenance d’un élément nouveau depuis la signature de la convention.


Ainsi, il apparait que les enfants sont loin d’êtres les oubliés de cette nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel !