Télétravail mode d’emploi (fr)

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Didier Reins, avocat au barreau de Strasbourg
Février 2020


Télétravail, accepté ou imposé par une épidémie comme le coronavirus : ce qu’il faut savoir !


Le télétravail est une modalité d’exécution du travail.


Celui-ci est censé améliorer les conditions de travail du salarié tout en garantissant sa rentabilité.


Il découle d’un dialogue et d’un accord entre les personnes intéressées, à savoir l’employeur et le salarié.


En cas d’urgence et de danger résultant d’une épidémie (exemple actuel du coronavirus), il peut être imposé.


Explications.


L’origine du télétravail

Le contrat de travail contient généralement une clause qui précise le lieu d’exécution du travail.


Celui-ci peut ainsi s’accomplir dans les locaux de l’entreprise que ce soit au siège social ou en agence.


Il s’agit là d’une clause substantielle du contrat de travail.


Avec l’avancée de la technologie, on s’est rendu compte qu’une partie du travail pouvait être accomplie en dehors des locaux.


Ainsi l’idée est venue d’autoriser certains salariés à travailler chez eux.


On songe ici essentiellement aux tâches administratives :


  • Travail de secrétariat : si un salarié dispose à domicile d’un ordinateur et d’une connexion internet, il pourra effectuer une grande partie de ses tâches chez lui.
  • Travail de conseil : là encore, avec une connexion au réseau et une webcam, rien n’empêche un salarié d’assister à une réunion ou de tenir un rendez-vous à distance.


Les cas vont bien entendu se multiplier avec l’évolution des procédés informatiques et l’arrivée de système de connexion sur le réseau de plus en plus rapides.


Le législateur a donc mis en place des règles permettant cette évolution des conditions de travail.

Le télétravail est inscrit aux articles L 1222-9 et suivants du Code du travail, que vous pouvez lire sur ce lien : télétravail dans le code du travail [1].


Définition du télétravail

Le télétravail est défini comme une forme d’organisation du travail par laquelle un travail qui devait être effectué au sein de l’entreprise le sera en dehors des locaux en permettant au salarié d’utiliser les technologies de l’information et de la communication.


Cette définition du Code du travail cerne donc bien les objectifs poursuivis : le télétravail ne vise que les salariés pouvant effectuer leurs tâches en utilisant des procédés d’ordre technologiques : ordinateur, webcam, connexion internet, dictaphone, logiciel de dictée vocale, logiciel de traitement de texte, de calcul etc.


On le comprend donc immédiatement : le travail accompli à domicile doit donner les mêmes résultats que s’il avait été accompli au sein de l’entreprise.


Le salarié qui utilise le télétravail doit donc disposer chez lui des mêmes moyens que ceux mis à sa disposition par son employeur au sein de l’entreprise.


Dès lors que ces conditions matérielles sont réunies, on entre dans la définition et dans l’hypothèse du télétravail.


Mise en place du télétravail

Modalités de mise en place

Le télétravail est mis en place après concertation selon trois manières :


  • Dans le cadre d’un accord collectif ;

ou

  • Dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique.


soit :

  • En l’absence d’accord collectif et de CSE, l’employeur et le salarié peuvent décider de recourir au télétravail et formaliseront cela librement sous toute forme qui leur conviendra.


  • Il est ici recommandé de formaliser cet accord soit par un avenant au contrat de travail, soit par un échange de correspondances suffisamment claires et précises.


Contenu de l’accord prévoyant la mise en place du télétravail

Quelle que soit la forme prise par l’accord (accord collectif ou charte) celui-ci doit préciser :

  • Les emplois ou postes pouvant bénéficier de cette mesure ;
  • Les conditions de recours au télétravail et de retour en entreprise ou de cessation de cette mesure ;
  • Les obligations du salarié et les moyens mis à sa disposition ;
  • Les modes de contrôle du travail effectué par le salarié ;
  • Les plages horaires.


Droits et obligations du salarié dans le télétravail

Le statut et les droits du salarié ne changent pas.


Celui-ci continue donc à bénéficier des mêmes droits qu’auparavant.


L’employeur ne peut le priver d’un droit ou d’un avantage dont il bénéficiait en entreprise.


Ainsi le salarié continue à bénéficier :

  • Des titres-restaurants ;
  • Des chèques-vacances ;
  • De l’accès à la formation ;
  • De l’accès aux locaux syndicaux dans l’entreprise ;
  • Du droit d’utiliser la salle de sport si l’entreprise en dispose d’une ;
  • Des règles relatives à la sécurité au travail (à cet égard, l’employeur doit donc s’assurer que le fait de travailler à domicile ne met pas le salarié en danger)
  • Du droit au respect de sa vie privée.


A retenir : le recours à cette modalité ne doit priver le salarié de quoi que ce soit.


Droits et obligations de l’employeur

L’employeur a le droit d’attendre de son salarié en télétravail la même qualité de travail.


Il doit s’assurer que le salarié dispose des moyens nécessaires pour accomplir son travail.


Lorsqu’un salarié demande à bénéficier des règles relatives au télétravail et que l’employeur ne le souhaite pas, ce dernier doit motiver son refus.


Il faut donc bien comprendre que la mise en place du télétravail n’est pas une obligation pour l’employeur.


Le salarié a le droit d’en demander l’application, mais l’employeur peut le refuser à condition de le justifier.


Le refus du télétravail

Le refus peut émaner de l’employeur ou du salarié.


Le refus de l’employeur

Le salarié ne peut imposer le recours au télétravail à son employeur.


L’employeur dispose de que l’on appelle le pouvoir de direction : c’est lui qui décide de la façon dont le travail doit s’accomplir au sein de son entreprise.


Cela est normal.


Si un salarié normalement éligible au télétravail demande à bénéficier de cette mesure, l’employeur pourra refuser à condition de motiver son refus, c’est à dire d’expliquer précisément pourquoi.


Le refus est un droit.


Le refus du salarié

Le salarié est en droit de refuser de travailler chez lui.


Il ne pourra être sanctionné pour cela.


Par conséquent, aucune procédure disciplinaire ne pourra être engagée contre un salarié qui refuse une mesure de télétravail voulue par son employeur.


L’employeur ne pourra donc le sanctionner par un avertissement.


Et bien entendu, il sera interdit de le licencier.


Il existe cependant une exception : en cas d’épidémie, l’employeur peut imposer le recours au télétravail : voir plus bas avec l’exemple du coronavirus.


Les frais liés au télétravail

Le salarié qui expose des frais pour télé-travailler peut demander une indemnité à son employeur.


Dans ce cas, l’employeur lui versera une allocation forfaitaire.


Cette allocation bénéficiera d’un régime exonératoire de charges sociales dans la limite de :


  • 10 euros par mois pour une journée de télétravail par semaine ;
  • 20 euros par mois pour deux journées de télétravail par semaine ;
  • 30 euros pour trois journées par semaine ;
  • Etc.


Si l’employeur verse une allocation supérieure aux montants précités, l’employeur pourra bénéficier de ce régime exonératoire à condition de justifier de la réalité des dépenses supportées par son salarié et de leur caractère professionnel.


Télétravail et accident du travail

Est considéré comme un accident du travail tout accident survenu par le fait ou à l’occasion de l’accomplissement du travail.


Tout accident survenu au domicile du salarié à l’occasion du télétravail sera donc considéré comme un accident du travail.


Les règles relatives aux accidents du travail s’appliqueront donc.


Hypothèse exceptionnelle : le télétravail imposé ou l’exemple actuel du coronavirus

Nous avons vu que l’employeur ne peut imposer à son salarié le recours au télétravail.


Il existe cependant une hypothèse dans laquelle l’employeur peut forcer son salarié à télé-travailler : l’épidémie ou la pandémie.


Exemple : l’épidémie du coronavirus


Ce cas exceptionnel est prévu à l’article 1222-11 du Code du travail qui dispose :


“En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.”


Rappelons que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés.


Pour le cas où une épidémie ou une pandémie frapperait le pays, l’employeur peut imposer à ses salariés de travailler chez eux.


A l’heure actuelle, le monde est frappé de plein fouet par le coronavirus.


Ce virus se propage dans l’ensemble des pays.


Pour l’heure, aucun remède ni aucun vaccin n’existent contre ce coronavirus.


Devant la propagation de cette maladie, les employeurs pourraient ainsi imposer le recours au télétravail pour les postes qui sont bien sûr compatibles.


L’exemple du coronavirus n’est pas le seul.


Une maladie même non mortelle peut autoriser l’employeur à imposer le télétravail sur le fondement de son obligation de sécurité.


Le télétravail tendra dans les années à venir à se développer :


  • Soit parce que cela sera voulu par les parties en présence ;
  • Soit, car cela sera rendu indispensable par la propagation d’une maladie (actuellement le coronavirus)


En tout état de cause, il ne faut pas regarder cette mesure comme une contrainte : améliorer dans certains cas la qualité des conditions de travail améliore la rentabilité des salariés.


Pour peu que la mesure soit bien gérée, chacun y trouvera son compte.