Tests salivaires : les employeurs ont-ils le droit de faire baver leurs salariés ? (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Eric Rocheblave, avocat au barreau de Montpellier [1]
Mars 20021




Aux termes de ’article L. 1121-1 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »


L’article L. 1321-1 du code du travail dispose : « Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement : / 1° Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ; / […] 3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur »


Aux termes de l’article L. 1321-3 du code du travail : « Le règlement intérieur ne peut contenir : […] 2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »


L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs »


Aux termes de l’article L. 6211-1 du code de la santé publique, « un examen de biologie médicale est un acte médical qui concourt à la prévention, au dépistage, au diagnostic ou à l’évaluation du risque de survenue d’états pathologiques, à la décision et à la prise en charge thérapeutiques, à la détermination ou au suivi de l’état physiologique ou physiopathologique de l’être humain, hormis les actes d’anatomie et de cytologie pathologiques, exécutés par des médecins spécialistes dans ce domaine».


Au visa de ces textes, il est jugé que les employeurs peuvent, dans certaines conditions, pratiquer des tests salivaires de détection immédiate de consommation de produits stupéfiants.


Pour le Conseil d’Etat, « un test salivaire de détection immédiate de produits stupéfiants, ayant pour seul objet de révéler, par une lecture instantanée, l’existence d’une consommation récente de substance stupéfiante ne revêt pas, par suite, le caractère d’un examen de biologie médicale au sens des dispositions de l’article L. 6211-1 du code de la santé publique et n’est donc pas au nombre des actes qui, en vertu des dispositions de son article L. 6211-7, doivent être réalisés par un biologiste médical ou sous sa responsabilité ; n’ayant pas pour objet d’apprécier l’aptitude médicale des salariés à exercer leur emploi, sa mise en œuvre ne requiert pas l’intervention d’un médecin du travail ; enfin, aucune autre règle ni aucun principe ne réservent le recueil d’un échantillon de salive à une profession médicale ».


« aucune règle ni aucun principe n’imposent l’intervention d’un professionnel de santé pour procéder au recueil de salive et lire le résultat du test de dépistage ; que, par ailleurs, si les résultats de ce test ne sont pas couverts par le secret médical, l’employeur et le supérieur hiérarchique désigné pour le mettre en œuvre sont tenus au secret professionnel sur son résultat »


  • Conseil d’Etat 5 décembre 2016, n° 394178 [2]


Pour la Cour d’appel d’Amiens, « un supérieur hiérarchique est habilité à pratiquer un test salivaire de détection immédiate de produits stupéfiants ayant pour seul objet de révéler, par une lecture instantanée, l’existence d’une consommation récente de substance. Un tel acte ne revêt pas, par suite, le caractère d’un examen de biologie médicale au sens des dispositions de l’article L. 6211-1 du code de la santé publique et n’est donc pas au nombre des actes qui, en vertu des dispositions de son article L. 6211-7, doivent être réalisés par un biologiste médical ou sous sa responsabilité. De plus, dès lors qu’il n’a pas pour objet d’apprécier l’aptitude médicale des salariés à exercer leur emploi, sa mise en œuvre ne requiert pas l’intervention d’un médecin du travail. »


  • Cour d’appel d’Amiens, 27 janvier 2021 / n° 19/04143


Pour la Cour d’appel de Chambéry, « la mise en place de tests salivaires ne doit avoir pour objet que de faire cesser une situation dangereuse au regard de la nature du travail confié au salarié et aux répercussions que l’état peut avoir sur les autres personnes ou sur les biens »


  • Cour d’appel de de Chambéry – ch. Sociale 16 mai 2017 / n° 16/01699


Pour le Conseil de Prud’hommes de Grenoble, « si l’employeur peut utiliser le test salivaire pour détecter l’usage de produits stupéfiants, c’est à condition que cette possibilité figure au règlement intérieur, que le salarié ait été informé de ce dépistage, qu’il s’adresse aux salariés dont l’usage de la drogue présente un risque pour sa propre sécurité ou la sécurité d’autres salariés et qu’il ne peut donc être généralisé ».


  • Conseil de Prud’hommes de Grenoble 20 septembre 2013 n° 13/01736