Un avocat ne peut pas prendre connaissance des emails figurant sur les boites gmail de ses collaboratrices (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit civil > Droit des personnes > Vie privée  



Auteur : Frédéric CHHUM, Avocat au barreau de Paris

Fr flag.png


Maître A, Avocat, a manqué à la délicatesse en prenant connaissance de messages couverts par le secret des correspondances, dès lors qu'ils figuraient sur une messagerie personnelle, quel qu'en soit le contenu, et en les produisant devant la commission de conciliation de l’ordre des avocats du Barreau de Paris.

C’est ce que vient de juger la 1er chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mars 2016 (n°15-14557).

Monsieur A..., avocat, a fait l'objet d'une poursuite disciplinaire à l'initiative du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, qui lui reprochait notamment d'avoir produit, au cours d'une instance l'opposant à deux collaboratrices libérales, des documents couverts par le secret des correspondances, et ainsi manqué aux principes essentiels de la profession d'avocat, définis à l'article 1. 3 du Règlement intérieur national des avocats (RIN).

L’avocat s’est pourvu en cassation.

Dans un arrêt du 17 mars 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’avocat.

L’avocat plaidait que :

1°/ que le collaborateur, qui laisse une messagerie électronique ouverte sur l'ordinateur professionnel mis à sa disposition par l'avocat auquel il est lié par un contrat de collaboration, confère à ladite messagerie le caractère d'annexe professionnelle, en sorte que les courriels y figurant sont présumés professionnels, sauf leur identification comme étant personnels au collaborateur, et que l'avocat peut donc les consulter hors la présence de ce dernier ;

2°/ que la production d'un courriel présumé professionnel d'un collaborateur dans une procédure relative à la rupture du contrat le liant à un avocat ne suppose l'accord du collaborateur ou, à défaut, une autorisation judiciaire, que si le contenu du courriel s'avère relever de la vie privée de ce dernier ; que la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si le contenu des courriels produits dans la procédure opposant M. A... à ses collaboratrices concernait des faits de la vie privée de ces dernières ou si, au contraire, ce contenu était en rapport avec leur activité professionnelle, ainsi que le demandeur le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées de l'article 1. 3 du RIN et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions.

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation.

La Cour de cassation relève que « Les messageries utilisées par les deux collaboratrices libérales étaient privées, s'agissant d'adresses personnelles « gmail » mises à la disposition des internautes par la société Google ».

Elle ajoute que « Si l'accès au serveur de l'opérateur internet s'effectuait au moyen de l'ordinateur professionnel, la boîte de réception électronique personnelle de la collaboratrice conservait néanmoins son caractère privé et que M. A... ne pouvait déduire de l'absence de fermeture de la messagerie, le consentement de sa collaboratrice à la consultation, hors sa présence, de son contenu ».

La Cour de cassation conclut que « La cour d'appel a exactement décidé que M. A... avait manqué à la délicatesse en prenant connaissance de messages couverts par le secret des correspondances, dès lors qu'ils figuraient sur une messagerie personnelle, quel qu'en soit le contenu, et en les produisant devant la commission de conciliation ».

Cet arrêt va dans le même sens que l’arrêt du du 7 avril 2016 (n°14-27949) de la chambre sociale de la Cour de cassation.

Cette décision doit être approuvée.