Vente en gros d'abonnement (fr)

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France Télécom est un opérateur qui occupe une place particulière sur le marché français des télécommunications. Les liens très étroits entretenus par l’entreprise avec l’Etat depuis sa création font d’elle un acteur très influent sur ce marché. Malgré l’ouverture de ce marché à la concurrence en 1998, France Télécom conserve une réelle position dominante notamment marquée par le fait qu’elle demeurre propriétaire de l’ensemble du réseau téléphonique français constitué pendant le monopole. Les discussions relatives à la mise en place d'une concurrence effective ont conduit l'autorité nationale de régulation à intervenir. En effet, afin de permettre à des opérateurs alternatifs de concurrencer l'opérateur historique, on a assisté à la mise en oeuvre des différentes mesures dont les plus notables sont le dégroupage de la boucle locale dans un premier temps, puis ultérieurement, la vente en gros d'abonnement.


Description de l’offre de Vente en Gros d’Abonnement (VGA)

Définition de l’offre VGA

La vente en gros d’abonnement désigne une opération commerciale réalisée entre l’opérateur historique de télécommunications (France Télécom) et un opérateur alternatif. L’offre VGA proposée par France Télécom consiste à fournir au client, désigné "opérateur VGA", un raccordement en mode analogique ou de base RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services) au réseau de France Télécom.

On retrouve également cette opération sous l’expression « Vente en Gros d’Accès au Service Téléphonique » (VGAST). Cette offre de France Télécom a permis aux opérateurs alternatifs de commercialiser une offre globale de téléphonie fixe et des services traditionnellement associés (comme la présentation du numéro) ou de l’Internet bas débit. Une convention précisant les modalités contractuelles de l’offre VGA doit être passée entre France Télécom et chaque opérateur VGA.

Offre VGA et dégroupage partiel

Dans le cadre d’un dégroupage partiel, l’offre VGA permet à un opérateur alternatif de proposer à ses clients à la fois un service haut débit sur la bande de fréquence haute et un abonnement au réseau commuté sur la bande basse. Le client reste donc soumis à un abonnement téléphonique mais qu’il n’est désormais plus contraint de payer à France Télécom.

Offre VGA et dégroupage total

Le dégroupage total permet à un opérateur alternatif de raccorder l’intégralité d’une ligne à ses propres équipements. Dans ce cadre, le client n’est plus contraint de souscrire d’abonnement téléphonique au réseau commuté puisqu’un seul et même opérateur gère l’ensemble des équipements lui permettant de fournir l’Internet haut débit et la téléphonie. L’offre VGA n’intervient donc pas dans cette configuration.

Rappel historique

France Télécom détient le monopole absolu sur le marché des télécommunications jusqu’au 31 décembre 1997. Le 1er janvier 1998, le marché des télécommunications est ouvert à la concurrence sous l'égide d'une directive européenne.

Seulement sur le marché de la téléphonie fixe, le coût des installations pour permettre l’entrée nouveaux opérateurs est tel que la mise en place de cette concurrence doit reposer sur les infrastructures de France Télécom (selon la théorie des facilités essentielles).

Depuis cette date, le consommateur peut donc recourir à un opérateur alternatif via le réseau de France Télécom pour les appels de longue distance et internationaux. Il reste cependant soumis à un abonnement minimum chez l’opérateur historique de télécommunications.

Le 1er novembre 2000, cette alternative est rendue possible pour les appels d'un téléphone fixe vers un mobile. Enfin, depuis le 1er janvier 2002, les consommateurs ont la liberté de passer par un opérateur alternatif pour leurs appels locaux. Cette étape donne la possibilité aux abonnés de ne plus recourir aux prestations de France Télécom pour l’ensemble de leurs appels. En revanche, l'abonnement auprès de l’opérateur historique reste obligatoire pour les consommateurs jusqu’à l’apparition de l’offre VGA.

Un double objectif

Favoriser le jeu de la concurrence

Il s’agissait en l’espèce de poursuivre le développement du jeu de la concurrence entrepris notamment par l’Autorité de Régulation de Télécommunications (ART) sur le marché des télécommunications fixes. L’offre VGA visait l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché et a donné la possibilité aux opérateurs alternatifs de revendre l'abonnement téléphonique de France Télécom.

Donner une liberté de choix aux consommateurs

Le deuxième objectif visé par l’opération commerciale se situait du coté des consommateurs, obligés à cette époque de souscrire un abonnement chez France Télécom pour accéder à un opérateur alternatif. Depuis l’instauration de l’offre, les consommateurs désireux de migrer vers un opérateur tiers ne paient plus qu’un seul abonnement : celui de l’opérateur alternatif à l’opérateur historique.

Les acteurs en présence

  • L’Autorité de Régulation des Communications et des Postes :

L’ARCEP a joué un rôle de premier plan dans la mise ne place de l’offre VGA. Grâce à son pouvoir décisionnaire et la position intermédiaire qu’elle revêt entre les différents acteurs du marché de la téléphonie fixe, l’Autorité a pu contrôler l’offre de France Telecom en tenant compte de la situation du marché.

  • La Commission Européenne :

La Commission Européenne a pour usage de contrôler la concurrence sur les marchés interne des télécommunications. C'est ainsi qu'elle a notamment condamné France Telecom le 16 juillet 2003 pour abus de position dominante sur le marché de l'ADSL. En rendant un avis favorable aux projets de décision d’analyse des marchés de la téléphonie fixe le 15 septembre 2005, la Commission a permis à l’autorité nationale de contrôler directement la mise en place de l’offre VGA. Informée lors de chaque projet de décision de l’ARCEP, la Commission Européenne a par ailleurs bénéficié d’un pouvoir de conseil dans la mise en place de l’opération.

  • Le Conseil de la Concurrence :

Le Conseil de la Concurrence fût également un acteur important dans la mise en place de l’offre puisqu’il fût saisi à plusieurs reprise par des opérateurs alternatifs visant à sanctionner les abus de position dominante de l’opérateur historique. La pression exercée par son pouvoir de sanction poussa France Télécom à proposer son offre de Vente en Gros d’Abonnement. Ce pouvoir de sanction fût notamment mis en application le 1er décembre 2005 à l'encontre de la société France Telecom dans l'affaire de l'entente entre les trois opérateurs de téléphonie mobile de l'époque. Enfin, l’ARCEP peut transmettre au Conseil ses analyses du marché afin qu'il émette un avis.

  • L’opérateur historique :

France Télécom est l'opérateur historique et reste un acteur puissant du marché de la téléphonie fixe. C’est la raison pour laquelle l’ARCEP souhaitait contrôler les conditions techniques et tarifaires de son offre VGA initiale.

  • Les opérateurs alternatifs :

Ils furent les premiers destinataires de l’offre VGA. En effet, l’opération permet à ces acteurs de commercialiser un offre globale de téléphonie fixe et de services associés ou d’Internet bas débit même si la ligne n’est pas dégroupée totalement. L’offre VGA ne s'adresse cependant qu'aux exploitants de réseaux ouverts au public qui ont signé une convention d'accès à la boucle locale avec France Télécom.

  • AFORS Télécom :

L’Association Française des Opérateurs de Réseaux et de Service de Télécommunication qui regroupe la plupart des opérateurs alternatifs de communications fixes a apporté une contribution aux travaux de l’ARCEP dans la mise en place de l’offre VGA.

  • Les consommateurs :

L’offre VGA a donné la possibilité aux consommateurs de ne payer plus qu’un seul abonnement téléphonique et à l’opérateur de leur choix. Ils ne sont désormais plus contraints de payer leur abonnement chez France Télécom en plus de celui de l’opérateur alternatif comme c’était le cas avant la mise en place de cette opération.

Mise en place de l’offre VGA

L’initiative de France Télécom

Durant le 1er semestre 2005, des travaux techniques entre France Télécom et les opérateurs alternatifs conduisent l’opérateur historique à proposer une offre de vente en gros d’abonnement. 


Lors de discussions sur l'évolution des tarifs de détail de l'abonnement téléphonique, France Télécom s’engage auprès de l'ARCEP à publier une offre de vente le 15 septembre 2005 pour une commercialisation effective le 1er avril 2006.

France Télécom publie donc une première offre le 15 septembre 2005. Le même jour, la Commission Européenne rend un avis favorable aux projets de décision d'analyse des marchés de la téléphonie fixe et de la terminaison d'appel fixe des opérateurs alternatifs.

L’analyse de l’ARCEP

Suite à cet avis, l’ARCEP déclare le 16 septembre 2005 qu’elle adopterait une décision complémentaire qui spécifierait les modalités techniques et tarifaires que devra respecter France Télécom sur cette nouvelle offre de gros.

Le 28 septembre 2005, l’ARCEP publie deux décisions relatives à l'analyse du marché de la téléphonie fixe. Dans ses décisions n°05-0425 et 05-0571, l’ARCEP qualifie notamment France Télécom d’opérateur exerçant « une influence significative » sur le marché de la téléphonie fixe.

France Télécom : un opérateur puissant

Le 7 mars 2006, Télé2 saisit le Conseil de la Concurrence pour obtenir un prix de gros de l'abonnement inférieur à ce que l'opérateur historique avait annoncé.

Suite à ses deux avis du 28 septembre, l’autorité souhaite imposer un certain nombre d’obligations à l’opérateur historique afin de permettre aux opérateurs alternatifs de vendre un service téléphonique complet à leurs clients à des conditions financières raisonnables.

Le 17 mars 2006 l’ARCEP soumet un projet de décision consultation publique afin de recueillir les commentaires des différents acteurs concernés par le projet. Ce projet de décision concerne les spécifications techniques et tarifaires de l’offre.

En parallèle, l’ARCEP notifie ce projet à la Commission européenne et aux autres Autorités de Régulation Nationales. Le 23 mars 2006 France Télécom confirme l'ouverture de son offre de vente en gros de l'abonnement téléphonique pour le 1er avril 2006. L’offre de Vente en Gros de l’Abonnement téléphonique est rendue disponible le 1er avril 2006.

Le 9 mai 2006 l'ARCEP précise les conditions techniques et tarifaires de l'offre de vente en gros de l'abonnement téléphonique dans sa décision n°06-0162. Par ailleurs, l’autorité notifie sa décision à la Commission européenne et publie les réponses non confidentielles à sa consultation.

Etendue de l’offre VGA

Date de mise à disposition de l’offre VGA

L’offre VGA est disponible depuis le 1er avril 2006 pour les abonnements analogiques isolés. Elle fût étendue aux accès isolés et groupés du réseau Numéris (RNIS français) et aux groupements de lignes analogiques le 1er juillet 2006. L’offre VGA est également disponible à Mayotte depuis le 1er janvier 2007.

Territoire

L’offre de Vente en Gros d’Abonnements est disponible en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte.

Exclusions

Les offres « Numéris Accès Primaires », « Numéris Duo » et « Numéris Itoo » de France Télécom n’entrent pas dans le cadre de l’offre VGA.

Contenu de l’offre VGA

Durée

L’offre VGA ne prévoit aucun engagement de durée. Elle est par ailleurs disponible même lorsqu’un logement n'a jamais eu de ligne de téléphone ou si une ligne a été résiliée depuis plus de 3 mois.

Seuils maximums de commandes VGA

France Télécom a défini un seuil maximum de commandes VGA de 75 000 par jour pour tous les opérateurs confondus.

Frais de mise en service

Le prix de gros facturé par l'opérateur historique comprend deux volets. Le premier comprend la mise en service de la ligne et le second correspond à l'abonnement mensuel.

Au 1er janvier 2011, les frais de mise en service s’élèvent à 4€ pour un accès VGA isolé analogique et à 7€ pour un accès VGA d’un groupement analogique. Pour les accès VGA de base (numérique), les frais de mise en service d’accès en VGA isolées ou partie d’un groupement s’élèvent à 9€.

Une somme de 40€ par accès s’ajoute à ces tarifs pour le client non titulaire d’un accès analogique ou de base à son nom.

L’abonnement mensuel s’élève à 11€ par accès VGA analogique (isolée ou partie d’un groupement). Le prix d’abonnement mensuel aux accès VGA de base (isolée ou d’un groupement) s’élève à 16,50€.

Les différents types d’accès VGA

France Télécom présente plusieurs alternatives pour la création d’un accès VGA dans son offre :

  • La migration d’un accès analogique isolé actif supportant un contrat de raccordement au réseau
  • Le PLP (Prend la Place) complet : accès analogique isolé inactif pour lequel le point de terminaison est raccordée à l’équipement technique du commutateur
  • Le PLP partiel : accès analogique isolé inactif dont le point de terminaison n’est pas raccordé à l’équipement technique du commutateur. Ceci implique le déplacement d’un technicien de France Télécom et éventuellement un rendez vous avec le client final VGA
  • Le nouvel accès : accès analogique isolé à créer qui implique notamment une intervention d’un technicien de France Télécom au niveau du point de terminaison et un rendez vous avec le client final VGA
  • La migration d’un accès en dégroupage total vers la VGA comprend la déconstruction de la ligne opérateur de dégroupage. Les opérations effectuées ensuite sont les mêmes que celles d’un PLP partiel

En pratique

Quelques chiffres

Le nombre d’abonnements issus de l’offre VGA était de 76 000 sur le marché de détail à la fin du premier trimestre 2007 et atteint les 447 000 à la fin du deuxième trimestre. A la fin de l’année 2007, 700 000 abonnements sont directement liés à l’offre VGA soit 2,5% des abonnements téléphoniques bas débit.

Au dernier trimestre de 2008, 857 000 abonnements au service téléphonique sur le réseau téléphonique commuté (soit 3,2% de l’ensemble des abonnements) étaient facturés directement aux clients par un opérateur alternatif.

Le nombre d’abonnements issus de l’offre VGA s’élève à un million à la fin du quatrième trimestre 2009 et représente 4,2% de l’ensemble des abonnements téléphoniques sur le réseau téléphonique commuté. Ce nombre atteint 1,2 million à la fin du quatrième trimestre 2010 soit plus de 5% de l’ensemble des abonnements téléphoniques sur le réseau téléphonique commuté. L'ensemble de ces chiffres reste consultable sur l'Observatoire des marchés des communications électroniques de l'ARCEP.

Critiques

Un grand nombre d’opérateurs alternatifs appuyés par l’AFORST ont émis à plusieurs reprises, certaines revendications relatives aux offres de gros de France Télécom. Ils soulignent en particulier que les tarifs de l’offre devraient être revus à la baisse. D’autres part, ils souhaitent que plusieurs améliorations soient apportés au niveau de la qualité de service et des processus mis en place pour l’offre VGA.

Enfin, ils estiment que France Télécom reste en large situation de monopole sur la boucle locale cuivre. A ce titre le groupe Vivendi qui compte Neuf Cegetel parmi ses affiliées, appuyé par le groupe Iliad-Free, portèrent plainte contre France Telecom devant la Commission Européenne. Les deux opérateurs estimaient en l’espèce que France Télécom pratiquait des tarifs trop excessifs pour l’accès à la boucle locale.

La commission n’a cependant donné aucune suite à cette plainte au vue de son implication active et de son suivi sur l'opération VGAST. Vivendi a cependant déclaré qu’il comptait porter cette affaire devant le tribunal de première instance des Communautés européennes.

Voir aussi

Liens externes

Site Internet de l'ARCEP

Site Internet de l'AFORS Télécom

Références

Décision de l'ARCEP n° 05-0425

Décision de l'ARCEP n° 05-0571

Décision de l'ARCEP n° 06-0162

Offre VGA de France Télécom du 15 septembre 2005

Offre VGA de France Télécom mise à jour le 24 janvier 2011